L'Usage du monde, publié en 1963, est un livre mythique, et
Nicolas Bouvier, la plus belle figure d'écrivain voyageur du
XXe siècle. Outre le fameux périple d'un an et demi de Belgrade
à Kaboul effectué dans une vieille Fiat Topolino en compagnie de
son ami Thierry Vernet, Bouvier a séjourné à Ceylan, au Japon,
plus tard en Irlande et aux États-Unis.
Puisant dans ses récits de voyage, mais aussi dans ses poèmes,
Doris Jakubec et Marlyse Pietri ont choisi les moments où son
regard acéré et sa plume aussi précise qu'aérienne révèlent en
un clin d'oeil un lieu dans son histoire et son présent, un
personnage en quelques traits, des instants de vie contrastés,
bonheurs éclatants ou noirceur menaçante. Les pages inédites
sont des variantes de L'Usage du monde, des notes et des lettres
à ses parents. Les photos sont parmi les moins connues de
Nicolas Bouvier, qui a pratiqué le métier de photographe dès
son premier séjour au Japon, à l'âge de 27 ans.
Le voyage, pour Bouvier, est une forme d'ascèse : s'arracher à
tout ce qui enferme, chercher dans le dénuement la disponibilité
nécessaire pour rencontrer l'autre, s'ouvrir à la polyphonie du
monde, accéder à «ces lieux privilégiés où les choses les plus
humbles retrouvent leur existence plénière et souveraine». Expérience
exigeante où le bonheur, intense, se paie cher. «C'est le
voyage qui vous fait, ou vous défait», écrit-il. «Le monde vous
traverse et pour un temps vous prête ses couleurs. Puis se retire et
vous place devant ce vide qu'on porte en soi, devant cette espèce
d'insuffisance centrale de l'âme qu'il faut bien apprendre à
côtoyer, à combattre, et qui, paradoxalement, est peut-être notre
moteur le plus sûr.»
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