« Être conscient que travailler là où je travaillais me faisait consciemment participer à l’absurdité et la misère du monde, et donc à la mienne, me bouffait un peu plus chaque jour. Me rongeait tripes et cerveau. Je ne voulais plus et n’en pouvais plus de prendre part à ce monde indigent. Je me demandais de quoi serait faite la prochaine révolution ; qu’elle ne soit pas matérielle, voilà ce que j’espérais : elle serait dérisoire, inutile ; qu’elle soit le regain de notre instinct, de notre vie instinctive, qu’elle soit antimatérielle en somme ! »
Mourir avec son temps, se retrancher en soi jusqu’à la mort sociale, s’extraire du vase désespérément clos où nous confinent le monde du travail et la société qui le sous-tend, se soustraire à cette existence qui use et qui mine pour laisser s’épanouir ses univers intérieurs.
Mourir avec son temps pour vivre ailleurs et autrement, dans une « ultravie » où l’imaginaire nourrit l’évasion. « Ça fusait dans sa tête, sa nouvelle vie était un entrelacs de vies. »
Mourir avec son temps pour renaître Littérature. « C’était ça l’ultravie : désobstruer, se défaire, se débarrasser, reconstruire, remodeler, se réaccaparer, s’inventer une vie à part entière pour survivre. »
La littérature comme mode de survie.
Mathias de Breyne, né en 1973, a déjà publié 13 ouvrages, seul ou en collaboration. Ses voyages lui permettent de découvrir et de traduire les poètes de la Baby Beat Generation. Il s’installe plusieurs années en Argentine où il établit une anthologie bilingue de littérature argentine contemporaine, écrit ses romans L’Interview (Sulliver) et Entretien avec un frigo (Rouge Inside), et découvre et traduit l'inédit La Racine de l'ombú d'Alberto Cedrón et Julio Cortázar (CMDE). Il vit actuellement en France.
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