Nos sociétés manquent de repères éthiques pour les grandes décisions qui concernent leur présent et leur avenir. Il s'ensuit de grands désordres pratiques : corruption politique et économique, désarroi des individus, laissés sans normes pour orienter leur vie. Sous l'absence de références communes s'installe sournoisement un nouvel ordre moral, mais de type libertaire. Il se manifeste à travers des décisions récentes du législateur en matière de mœurs, mais nombre de théoriciens se chargent aussi de lui donner des assises et des justifications intellectuelles.
Ainsi, la référence à la dignité de la personne, qui fait l'unanimité chez nos contemporains, est devenue la référence légitimante du nouvel ordre moral libertaire. Pourtant, tout se passe comme si cette référence se retournait contre le respect des hommes concrets. C'est le cas quand tel moraliste déclare qu'il est des hommes, appartenant à l'espèce humaine donc, qui ne sont pas des personnes, et des animaux qui, quoique n'appartenant pas à l'espèce humaine, en sont... Ne faudrait-il pas dès lors abandonner une telle référence à cause de ses ambiguïtés ? Cet examen s'impose si l'on ne veut pas tout à fait désespérer de l'homme ni s'abandonner aux désordres de l'ordre libertaire. Car le véritable humanisme ne tient pas dans la défense naïve d'une supériorité illusoire de l'espèce, mais, à l'inverse, dans un sens avisé de sa faiblesse. Et si l'homme trouvait sa dignité dans son indignité même, sa valeur dans la possibilité très réelle où il est de se renier, sa grandeur dans sa fragilité ?
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