- Maman, Maman ! Le chat est mort, je l'ai tué !
La mère ne répond pas. Le gamin repointe son revolver.
- Pan ! pan !
Il pousse sa mère du coude.
- Maman, Maman ! Je l'ai encore tué !
Va-t-il nous fiche la paix, ce petit morveux ? C'est mon jour, c'est mon jour, c'est mon jour...
Mais la femme se penche vers moi :
- C'est parce que mon mari a pris le chat et m'a laissé le gosse, vous comprenez.
- Oui, oui, je comprends.
Si elle n'a pas entendu mon ton excédé...
- Mais un gosse, ça a besoin d'un père, vous êtes d'accord avec moi, tout de même ?
- Je n'en sais rien, Madame, je n'ai pas d'enfant.
- Moi, je n'aime pas les chats, je n'aime pas les chats ! crie le gamin.
Cette tache, ici, tiens, sur ma robe, cette tache qui refuse de partir et qu'en vain je frotte et frotte encore, pourquoi, oui pourquoi ne pas la porter comme un ornement, comme un éclat de couleur superbe entre tous ? Tu crois que je déraisonne ? Oh non, Léo ! Quand on tient les événements sur le bout de la langue, quand il suffit d'un peu de salive pour les projeter sur la scène de la vérité, on doit se dire que même le sang est préférable à l'absence et au néant ! Surtout si c'est du sang de la Liliane qu'il s'agit ! N'a-t-elle pas reçu ce qu'elle méritait ? N'a-t-elle pas reçu son juste châtiment ?
Deux femmes, très différentes voire totalement opposées. Un point commun cependant : si elles parlent sans discontinuer, c'est pour ne pas totalement perdre pied.
Dans Mon chat s'appelle Odilon, pour Natacha, hantée par la peur de la solitude, tout s'arrangerait peut-être si elle pouvait tout autant s'investir affectivement dans l'homme auquel elle s'accroche que dans son animal de compagnie. Le récit, parfois cocasse, de ses tribulations au cours de la journée où elle fait châtrer le jeune chat révèle peu à peu un être totalement décalé par rapport au monde qui l'entoure.
Quant à la Lucienne de Tête à tête, est-elle vraiment la femme de l'amnésique qu'elle dit avoir retrouvé dans un hôpital et auquel elle déballe, pleine de rancoeur, une vie commune dont elle distille, comme pour s'en libérer, les horribles secrets ? Ou s'agit-il d'une mythomane profitant de l'état de son vis-à-vis pour s'inventer une existence et combler ainsi le vide insupportable qui l'habite ?
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