L'enjeu de cet ouvrage est la réhabilitation du concept de mimésis. Confiné à l'imitation, le «mimétique» fut longtemps déprécié et considéré comme l'incarnation de ce que l'art moderne chercha à dépasser: la copie de la réalité. L'histoire du concept en donne cependant une autre image, riche et multiforme.
Depuis l'Antiquité grecque, la mimésis est saisie comme la production de mondes symboliques, comme une action répétant la création première du monde. La faculté mimétique joue un rôle dans presque tous les domaines de l'action, de la parole et de la pensée humaine, et constitue une condition indispensable à la vie sociale. De par l'aspect anthropologique de son action, la mimésis est toujours ancrée dans la pratique et imprégnée de la société et du pouvoir. Hermétique à toute théorisation et aux concepts purs, elle est à la fois une notion fondamentale de l'esthétique et une caractéristique humaine.
Ce livre retrace toutes les facettes du concept, à mi-chemin entre nature et culture, entre sujet et société. Car la mimésis est avant tout un concept de la médiation.
Chaque époque historique lui assigna une caractéristique propre: dans la Grèce antique, la mimésis est la production d'apparence et de fiction. Au début de l'époque moderne, elle se situe entre l'expansion du pouvoir et la «découverte» de la subjectivité. Devenant un principe de la mise en scène de l'État, elle prend à l'époque classique une signification politique. Au XVIIIe siècle, elle sert de critère à la conception du sujet qui crée, idée qui se prolongera au XIXe siècle avec les productions de mondes dans le roman et la société. Les auteurs modernes, Benjamin, Adorno et Derrida tout particulièrement, la considérant comme un accès propre au monde par la parole et l'écriture, en font le centre de la réflexion littéraire et anthropologique.
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