« Plus j’errais dans ce Paris, plus je devenais consciente de l’impossibilité pour moi d’y être quelqu’un. La seule chose qui me distinguât des autres et qu’il me fallait reconnaître, tant on me le répétait, même dans la rue. c’est que ma personne de dix-neuf ans était agréable. Les fameux petits Savoyards de Mme Récamier ne m’étaient pas inconnus. On me regardait, on murmurait une parole aimable ; mais tout à coup la peur me prenait de ce genre de succès dans ce Paris dont je connaissais les dangers, les entraînements. Je me demande aujourd’hui comment nous pouvions être jolies avec nos bandeaux plats, nos chignons dans le cou, avec des boucles qui en sortaient sans grâce, et nos affreux chapeaux à bavolets et à brides ?
Mon mari se plaisait à m’instruire des scandales journaliers de la vie parisienne.
Je les connaissais tous, exagérés peut-être, et ils me terrifiaient. Aussi le moindre compliment, à certains jours, me paraissait-il offensant. Ces gens qui me les faisaient avaient, certes, l’esprit hanté par les histoires que je savais moi-même, et, à première vue, ils me croyaient sans doute de l’espèce des “cocodettes”. Élevée comme je l’avais été par ma grand’mère, par mes tantes, par ma mère, par des êtres farouches dès qu’il s’agissait d’une légèreté ou d’une susceptibilité d’honneur, je sentais la honte des mots aimables planer sur moi. »
Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.
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