La petite dormait et les voyageurs s'étaient tus. Devant moi la plume de l'écrivain avait commencé à glisser sur le calepin, indifférente aux soubresauts de la voiture. Il levait de temps en temps les yeux éclairés par une lumière intérieure, comme pour mettre au point une pensée sur le point de s'évanouir. La main, en cet instant fugace, restait immobile, suspendue en l'air, en attendant que les mots se forment dans son esprit. Plissant le front, les sourcils froncés, les lèvres charnues serrées : le miracle de la création était en cours. Le Prométhée créateur passait en revue le flux d'émotions et d'images et il laissait courir sa plume, griffonnait sur la feuille avec fougue, presque avec violence, et moi je n'entendais plus le bruit des roues sur la route, mais seulement le grattement de cette plume.
C'est drôle ! Il y a trois années, j'ai été chargé de filmer une vidéo pour le Musée de Balzac au château de Sache où le Géant des Lettres a tant travaillé. J'avais imaginé une conversation avec son valet en juillet 1834. Balzac, il serait évoqué entre nous, en attente de son arrivée prévue pour le dîner. On sentirait sa présence comme s'il était là, à papoter et à rigoler avec nous, tous plongés dans une scène de vie familiale.
Pour différentes raisons je n'ai pas réalisé cette vidéo, mais j'ai eu le grand plaisir de retrouver cette idée dans Mémoires d'un fidèle serviteur de Rosa Romano Toscani. Il s'agit d'un roman qui témoigne d'une connaissance approfondie du sujet, où le grand écrivain surgit vivant et palpitant des souvenirs de son valet. Pour les novices qui ne le connaissent pas, c'est une occasion formidable pour rencontrer ce Géant, les autres s'amuseront à découvrir de faux détails fourrés avec maîtrise parmi de vraies anecdotes.
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