Méditations dans l'urgence
Années 50, Manhattan. Le paysage littéraire semble terne aux jeunes poètes dits de « l'école de New York » émerveillés par les flots de peinture de l'expressionnisme abstrait. Et au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l'époque, complexe, exige et suscite de nouvelles façons d'écrire. Les Méditations dans l'urgence sont la réponse, élaborée de 1950 à 1957, par un jeune poète de génie, Frank O'Hara, qui commence alors son ascension au Musée d'art moderne. Les Méditations sont un livre de crise : crise de l'expression de soi à une période où la subjectivité moderne semble défaillante. O'Hara refuse de choisir entre la vitesse et la réflexion, entre un monde nouveau et le souvenir du passé. Le jeune poète regarde vers l'Europe, invite Rilke, Maïakovski, se souvient de Rimbaud, et avant, de Keats, pense à une toile de Seurat ou à l'image de Jean Marais. Les Méditations marient l'Europe à l'Amérique, l'Opéra de quat'sous à Hollywood et ses stars de cinéma à qui le poète déclare son amour, pleurant la disparition de James Dean. On entend la mer de Walt Whitman qui brasse tout ce beau monde, on se laisse porter par des sentiments et des idées qui naissent des choses les plus simples, comme chez William Carlos Williams : l'émerveillement d'être en vie se mesure à la présence d'un cendrier ou de « simples oeufs brouillés ». Nées d'une crise, les Méditations dans l'urgence sont aussi vives et joyeuses, elles font vite pour oublier d'être graves, ne serait-ce qu'un instant.
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