Il ne saurait être question de faire en quelques pages le tour d’une œuvre aussi éclectique et multiforme que celle de Max Weber. En effet, « juriste de formation, il a été aussi économiste à part entière, en même temps qu’historien et que philosophe » (Simon, 1991, p. 382). Et il était également un lecteur avide des auteurs de l’Antiquité et des philosophes allemands. De surcroît polyglotte puisqu’il parlait aussi bien le français que l’espagnol, l’italien, l’anglais puis, à partir de 1905, le russe (Freund, 1969, p. 6), c’est seulement à partir de 1904-1905 qu’il oriente ses travaux vers la sociologie pour tenter de comprendre l’influence que peut avoir la religion (protestante et même plus particulièrement calviniste) dans l’activité économique et l’organisation politique aux Etats-Unis. Cela donnera naissance, en 1905, à L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, son ouvrage le plus connu.
Mais malgré la diversité de ses références disciplinaires et des champs et objets auxquels il s’attache (le droit (1960), la Bourse (1894), la religion (1904-1905, 1996), la science (1965, 2003), la musique (1998), les questions agraires (1891), la ville (1982), etc.), l’œuvre de Max Weber reste marquée par deux constantes fondamentales :
tout d’abord, sa problématique centrale reste celle des origines, des particularités et des conséquences du capitalisme et de l’Etat moderne (Kaesler, 1996) : témoin des changements rapides et profonds qui bouleversent – en particulier – l’Allemagne de son temps, Max Weber est « considéré comme le penseur de la modernité, indissociable de la révolution industrielle et de ses conséquences » (Fleury, 2001, p. 4). Même ses travaux historiques (par exemple sur l’histoire agraire, économique et sociale dans l’Antiquité et au Moyen-âge) cherchent à discerner les conditions d’émergence et les prémices du capitalisme moderne. C’est en cela qu’il intéresse plus particulièrement la théorie des organisations : il a cherché à identifier et à comprendre les spécificités des organisations modernes et de leurs fondements ; ensuite, Max Weber, esprit fougueux et entier (ses engagements en politique furent souvent contradictoires et polémiques, mais toujours marqués par son impétuosité et son intransigeance), a été – en dépit ou à cause de cette caractéristique – très rigoureux et prudent dans son approche et dans sa méthode. Refusant toute sociologie générale qui prétendrait expliquer à partir d’un concept ou d’une cause uniques le sens de l’histoire, la société la vie sociale, il a pour ambition bien plus modeste d’y apporter des explications fragmentaires, et sans cesse à recommencer puisque déterminées à partir de réalités sociales empiriques elles-mêmes fragmentaires et évolutives. Cette prudence, alliée à son encyclopédisme et à sa mort prématurée (il décède en 1920 des suites d’une pneumonie), explique en partie une œuvre éclatée à l’extrême et largement inachevée, constituée de fragments plutôt que se présentant comme un tout cohérent. En témoignent les difficultés à « établir » (Fleury, 2001, p. 8) l’œuvre de Weber, c’est-à-dire à en ordonner les fragments sans se livrer à des regroupements infondés, à distinguer ce qu’il avait publié de son vivant de ses œuvres éditées à titre posthume, à le traduire sans le dénaturer. C’est à ce second titre que Max Weber intéresse la théorie des organisations : ses précautions et ses avancées, notamment sur le plan méthodologique, ont ainsi pu se faire une place au sein de la discipline et y sont aujourd’hui abondamment utilisées.We publiceren alleen reviews die voldoen aan de voorwaarden voor reviews. Bekijk onze voorwaarden voor reviews.