Au-delà d'un romantisme de jeunesse et d'emballements
religieux, il faut lire dans ces lettres de Maurice Sachs à Jacques
et Raïssa Maritain le témoignage émouvant d'un être écrasé par
son passé, déchiré par ses désirs, prêt à tout instant à des résolutions
nouvelles et à des serments irrévocables, tout en sachant
qu'il retombera, l'instant d'après, dans ce qu'il a refusé et qu'il
n'échappera pas à la veulerie et à la bassesse. «Ce n'est pas le
courage qui me manque, c'est le courage de ce courage. Or le
courage, c'est encore le courage pur. Le premier pas ne coûte
pas, mais ce sont les quotidiens derniers pas qui me coûtent [...]
Mon esprit est faible, distrait, tiède parfois, mon corps est parfois
secoué par le démon. C'est à la force des poignets du coeur que
je veux marcher», écrit-il à ses «Très chers et doux amis»
(3 octobre 1925). Faut-il voir dans ces aveux lucides et pathétiques
une volonté de mensonge, une dramatisation perverse
destinée à impressionner les naïfs et zélés Maritain ? Sachs a le
goût des mises en scène, il aime jouer, mais ce jeu lui permet
aussi de délivrer une certaine vérité. De parler en vérité de son
homosexualité. S'il sait que la rigueur théologique et la probité
morale de Maritain réprouvent l'homosexualité, il sait aussi,
comme le montre cette correspondance, que ses amis ne se
voilent pas la face, ne s'indignent pas, ne s'attardent à aucun
reproche. Ils accueillent seulement ceux qui sont exténués.
Exténué, déchiré, Maurice Sachs l'est constamment jusqu'à la
fin de sa vie. Les lettres témoignent, de manière troublante, de
cette perpétuelle oscillation entre des temps d'ascèse, de volonté
de maîtrise de soi et des périodes où, après avoir donné libre
cours à ses pulsions, Sachs éprouve des sentiments de forte
solitude et de dégoût de soi, tant semble fondamentale chez lui
l'amertume de se sentir victime de la fatalité.
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