Le fugace est saisi et métamorphosé en trace. Le poème
réfléchit cette opération et la rend sensible dans son espace.
L'ombre, alors, bat comme une aile que les yeux ne voient
pas : elle est à l'intérieur de la vue. Elle indique, non sans ironie,
que l'essentiel va d'un mot à l'autre sans que cette circulation,
qui est seulement lisible, se donne à voir. Ce qu'on ne voit pas,
tout en percevant sa présence, est pareil à l'oubli, qui renferme la
disparition tout en étant, et lui seul, propice à l'apparition. D'où
ces deux vers d'une évidence inépuisable : «le ciel est un manteau
lucide / l'oubli s'y cache pour penser».
Bernard Noël
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