Marx et le problème de l'idéologie
Le modèle égyptien
Suivi de : Introduction à l'anthropologie darwinienne
La théorie de l'idéologie dominante renferme chez Marx une contradiction.
Réduite à sa thèse manifeste, explicitée au coeur de la polémique contre la nouvelle philosophie critique. L'Idéologie allemande installe son objet dans l'innocence d'un reflet, dans l'involontaire d'une croyance, dans la sincérité d'une illusion que partagent ceux-là mêmes qui l'élaborent - les « idéologues » de la classe dominante - et, tout autant, ceux qui la dénoncent comme telle et qui pensent ainsi changer le monde en corrigeant des représentations - les philosophes « critiques » allemands.
Mais, dans les interstices de ce texte, et plus nettement encore dans le premier livre du Capital, la référence expresse de Marx à travers le XVIIIe siècle, à ces archétypes de la fonction politico-idéologique et à ces spécialistes de la régulation sociale qu'étaient les prêtres de l'Égypte initiateurs des cultes idolâtriques, fait basculer la thèse de l'innocence de la production idéologique dans son extrême opposé. L'idéologie dominante devient alors une mystification calculée, un jeu d'artifices, un outil de l'influence, une force d'assujettissement à des simulacres construits, s'exerçant en direction des producteurs dominés, et manoeuvrée depuis une position de savoir apte à exclure toute « illusion » sur son origine, son lieu d'application et ses conséquences matérielles : la reproduction des rapports de production et de la division du travail, dont la caste sacerdotale est elle-même le produit.
Ces deux thèses en conflit latent fournissent la structure et les termes réels de la problématique idéologique chez Marx : du dépassement de leur opposition dépend aujourd'hui, pour une grande part, la nouvelle intelligence de la lutte idéologique.
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