Les entretiens de Michael Henry Wilson avec Martin Scorsese, commencés dès ses premiers films en 1974, sont devenus un rituel auquel rien ne déroge. Au fil du temps, la conversation devient dialogue de plus en plus approfondi ; la confiance est palpable dans la densité des échanges d'idées tant sur les films que sur les projets ou le sens général d'une oeuvre qui s'élabore. Les chapitres restituent la chronologie de ces rencontres et couvrent toute la filmographie de Scorsese, des premiers films avec Robert de Niro, jusqu'à son documentaire sur Bob Dylan et The Departed dont il vient de terminer le tournage. La qualité des propos et le caractère systématique des rendez-vous confèrent à l'ensemble une grande qualité littéraire et le mouvement d'un récit, celui de la création d'une oeuvre par l'artiste lui-même.
Pour le jeune Martin Scorsese, tout commença au troisième étage d'un immeuble d'Elizabeth Street, au coeur de Little Italy, le quartier des Italo-Américains. Mais de Little Italy à New York, de New York à l'Amérique, le cercle n'a cessé de s'agrandir, comme la gamme de s'étendre : de Mean Streets en Casino, de Raging Bull au Temps de l'innocence, du solipsisme de Taxi Driver à la compassion d'À tombeau ouvert, Scorsese passe du « je » au « nous », d'illuminations singulières aux multiples facettes du melting pot, de la chronique semi-autobiographique à de vastes tableaux qui déploient dans toute leur complexité notre comédie humaine.
Si ses créatures sont possédées, et parfois anéanties, par leur passion, Scorsese a su canaliser la sienne dans une oeuvre qui continue de s'élargir, jusqu'à embrasser toute la mémoire du monde. Il ne s'est sans doute pas libéré de ses obsessions, mais il a appris à les tenir à distance en les transférant sur des personnages de fiction. Comme le dit si bien le peintre d'Apprentissages (Nick Nolte) : « On crée parce qu'on ne peut pas faire autrement. » La folie scorsesienne est à la fois élection et malédiction. Elle est le prix que doit payer celui qui s'adonne sans frein à son art. L'oeuvre ne s'accomplit pas en dépit de cette folie, mais à cause d'elle. Chaque film est un rite de conjuration.
Pour illustrer ces propos, Scorsese a ouvert ses archives personnelles avec la plus grande générosité : notes, dessins, manuscrits, story-boards, photos de famille ou de plateau, tout document pouvant éclairer ses trente ans de conversations avec Wilson. Une biofilmographie complète cette riche iconographie.
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