Durant l'hiver 334, un officier romain rencontre à la porte d'Amiens un pauvre nu. Il se saisit de son épée, coupe son manteau en deux, et donne la moitié au pauvre. C'est le début de la légende de Martin de Tours, l'un des plus célèbres saints de la chrétienté.
Dans ce texte en cinq mouvements, Mina Süngern nous restitue les épisodes les plus fameux de la légende, en adoptant le point de vue de ceux qui n'eurent pas droit à la parole : le pauvre qui se demande ce qu'il va faire d'une moitié de manteau, l'esclave terrorisé par son maître qui lui lave les pieds. Mina Süngern écrit comme l'on peint. Sous sa plume ce sont le caillou, la feuille qui frémit, la lumière qui éclaire la scène, qui prennent vie. L'incompréhension du pauvre, la peur de l'esclave, l'ennui du scribe deviennent la chair d'une fresque matérialiste. Elle interroge ce qu'est un mythe dans sa substance, quand on le dépouille de toute religiosité.
Frédérique Loutz revient sur les lieux du récit et convoque des sources divergentes pour éclairer la légende... dessins d'enfant, références iconographiques, paysages, bibelots ou jouets sont appelés à témoigner d'une réalité bien peu tangible.
Le soldat attrapa de nouveau son manteau par le col, et depuis l'ouverture qu'il venait d'y faire, le fendit de haut en bas, afin de le couper en deux. Il en tendit une moitié au mendiant qui s'en empara, remerciant, courbant la tête, faisant de nouvelles révérences, et pensant par-devers lui : « Pourquoi cet idiot ne me donne-t-il pas son manteau en entier ? Que va-t-il faire d'une moitié de manteau ? »
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