Comment écrire à l'ère du doute généralisé quant à la possibilité
pour le signe de commercer avec le monde ? Comment
faire fi de la mélancolie au relativisme nihiliste entaché de
médiocrité dans laquelle nous serions soit disant plongés ?
Comment, en un mot, réintroduire de la valeur dans et par le
littéraire, à l'heure post-humaniste des vérités incertaines et
de l'ébranlement des fondements de nos certitudes ?
Les romans de Martin Amis fournissent quelques éléments
de réponse à ces questions, par la virulence de leur critique de
l'affect mélancolique d'un certain discours ambiant dit postmoderne.
Loin d'être victimes du pessimisme fin de siècle («fin de
XXe siècle, bien sûr»), ils forment une oeuvre à part entière car
l'énergie provocatrice de leur verbe est la marque d'une foi
dans le pouvoir qu'ont les mots - dans leur violence même - à
prendre langue avec le monde, à investir les sphères éthiques
et politiques pour faire du roman un lieu de débat concernant
la modernité.
London Fields (1989) porte ce débat sur le devant de la
scène : l'ironie qui y préside n'épargne aucune des complaisances
affectant le versant mélancolique du postmodernisme,
qu'elle mime pour mieux les dénoncer. Les maux de notre
société y sont hyperbolisés, l'apocalyptisme ambiant
radicalisé, l'excès de nos peurs hypertrophié jusqu'à ce que
cet excès même, victime de sa propre violence, implose, laissant
la place aux valeurs programmées par le joyeux carnaval
de la langue qui préside à l'écriture du roman et bouleverse les
catégories établies pour instaurer celles de la liberté d'un langage
inventeur de ses propres lois.
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