Cette biographie, une des plus belles du genre, est celle d'une « femme ordinaire » qui, comme le dira à son procès l'avocat de la défense, « a eu le malheur d'être reine » : une femme qui aimait la vie et voulait profiter de sa jeunesse, confrontée à des enjeux historiques qu'elle n'était pas préparée à affronter.
Stefan Zweig, son compatriote, brosse de Marie-Antoinette un portrait historique rigoureusement fondé sur des documents d'archives, en le plaçant sous un éclairage psychologique et même freudien. Il analyse les circonstances successives qui modèleront les comportements variés et souvent condamnés de cette reine, utilisée comme pion sur l'échiquier politique des alliances de l'époque ; mariée à quatorze ans au futur Louis XVI, qui sera impuissant durant sept années, et souveraine à dix-huit ans, elle trouvera une compensation dans une vie dispendieuse. Spontanée, étourdie, irresponsable, Marie-Antoinette dépense sans compter dans son luxueux Trianon, tandis que le peuple vit dans la misère. La jeune femme, adulée à son arrivée en France, ne tarde pas à y être une sorte d'ennemie publique... jusqu'à son procès où elle devient totalement autre. C'est dans l'adversité qu'elle gagnera l'étoffe d'une reine, d'une femme éprouvée et mûre, profondément humaine, voire tragique.
Dans le style qu'on lui connaît, flamboyant et métaphorique, tantôt analytique tantôt empathique, toujours passionné et sous-tendu par une implication partiale, Zweig comprend son héroïne sans jamais l'excuser. C'est ce style que la nouvelle traduction signée Françoise Wuilmart restitue magnifiquement, dans sa texture originelle et au plus près de la sensibilité à la fois de son sujet et de son auteur.
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