Le mariage des immigrés algériens, primo-migrants et enfants d’immigrés, est pris ici comme indicateur des modifications qui concernent aussi bien les règles que les enjeux des stratégies matrimoniales. C’est le rapport à la société d’accueil et au pays d’origine et son évolution, ainsi que celle de la famille en situation migratoire, qui sont saisis avec les heurts que cela suscite entre parents et enfants, entre aînés et cadets. Mais c’est aussi la dynamique propre au regroupement de familles immigrées au sein du quartier et les différentes formes de vie communautaire qui sont considérées en tant qu’environnement et ensemble de relations pratiques influant plus ou moins sur le choix du conjoint. L’étude de 1129 mariages pour l’ensemble de la ville de Saint-Etienne sur une période de 23 ans (de 1960 à 1982) se conjugue avec une analyse qualitative à partir d’un des quartiers de la ville pour donner à voir les aménagements, les négociations, les conflits et les ruptures ou les compromis au sein des familles. Une typologie où se combinent aire de recrutement et ethnicité du conjoint différencie le mariage « traditionnel », le mariage « négocié » et le mariage « individuel » et reflète les rapports de force pour la maîtrise de la démarche matrimoniale. Cela révèle des postures et des dispositions chez les enfants qu’on distingue avec trois figures : le « sonac » (en continuité), le « bu » (en rupture), Te « lascar » (figé dans l’« entre-deux »). En contre-point, l’analyse des pratiques matrimoniales dans le pays d’origine met en exergue des évolutions et surtout un remodelage du lien communautaire qui ne concerne pas les seuls émigrés.
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