Le personnage central de Marbre fait en rêve une découverte caractéristique et, somme toute, importante pour la littérature moderne. Ferréol Buq, c'est son nom, sort un matin de la tour qu'il occupe pour apercevoir une grande statue, ou un grand cadavre. Il devine que ce corps étendu "s'était nommé le lecteur, et que c'était la charogne d'un dieu (c'est-à-dire d'un être d'une essence supérieure à la mienne) à l'intention duquel j'avais été, moi-même, créé". Un peu plus tard, une voix lui murmure à l'oreille : "Le lecteur et l'auteur sont morts tous les deux, et le cadavre du second ne saurait être loin. Qu'adviendra-t-il de Ferréol Buq, qui avait été créé par celui-ci et pour celui-là, s'il reste tout seul dans un monde où la cause et la fin n'existent plus ?"
Evidemment, ce héros abandonné est celui de la littérature d'aujourd'hui. Il est certain qu'on n'écrit plus beaucoup pour les lecteurs. On ne les a jamais traités plus durement. Les auteurs, à leur tour, se sont effacés. Le surréalisme, la poésie glacée de notre temps, le roman métaphysique mettent en liberté des personnages sans cause ni fin.
Cette situation ne leur donne pas toujours une très bonne santé et on n'en est que plus heureux de suivre Ferréol Buq pendant deux cents pages, car, lui, s'accommode fort bien de la liberté.
Roger Nimier
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