Obscurité mallarméenne et science de l'imâm. Mallarmé et l'imâm savent que ce qui les sépare de Dieu ou de la poésie, c'est eux-mêmes : le voile, symbole de la descente de l'Idée, devient le lieu de la conquête poétique du soi. Il découvre le fondement du réel : l'aperception du rythme éternel ou aperception de l'inouï.
Entre la fiction et le vers, entre le sens et la mesure, la poésie s'énonce. On entend dans le vers l'inaudible, ce qui pousse l'ouï vers l'in-ouï, vers sa limite in-finie. A l'instar de l'imâm, le poète connaît le peu de valeur d'un sens découvert. Entre le sens et la littérature, il y a l'Idée ou la subtilité de la musique. Cette alchimie du sens et de la littérature, c'est proprement l'in-ouï, l'ampleur du vers mallarméen conjugué au vent naturel qui souffle dans la demeure d'Igitur.
Comme les Noces d'Hérodiade, les noces de l'imâme et de Mallarmé sont solitaires : face-à-face du seul avec le Seul. La noce ne dit plus la fusion, mais la condition phénoménale du monde et la vérité de l'intelligibilité. Le monde apparaît parce que la noce existe. Pourtant, la noce est vierge. Telle est la gageure mallarméenne : inventer la noce vierge et créatrice.
Face-à-face ultime entre science de l'imâm et parole poétique : Hérodiade ; nom divin, «pierre précieuse», est indissociable d'une effectivité qui se traduit dans le verbe du prophète. Il est «chaton de sagesse», centre langagier, puissance hallucinatoire. Accéder à la sagesse, c'est accéder à la véracité du phénomène, à l'apparition sous l'apparence, ou encore à la disparition nécessaire du soi devant l'invisible de la Face.
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