Livre culte, Lyrical Ballads de 1798 est tout à la fois un recueil de son temps et un
ouvrage d'avant-garde. Expérimental, il ouvre la voie au romantisme, mais les
innovations qu'il met en oeuvre «conversent» avec la poésie du long XVIIIe siècle
dont il procède largement. D'inspiration démocratique, il «nivelle» les hiérarchies
des genres, décapite la poetic diction en usage et donne à entendre la langue communément
parlée. Dans le même temps, il pose les jalons d'une «idéologie» attachée
à renouer avec la tradition, neuf années après 1789.
Longtemps décrit, à tort, comme révolutionnaire, le recueil est pourtant précédé
d'un «Avertissement» - à croire qu'il présentait un réel danger. En vingt-trois
poèmes, il explore un savoir (lore) résolument «différent», qui porte sur la réalité,
en poésie, du sentir, du souffrir, mais aussi du (se) souvenir. Intrigant savoir, à
propos duquel les interrogations éclipsent les réponses. Mais savoir ô combien
nécessaire : à l'encontre des armes destructrices fourbies par la civilisation du
temps, la poésie de Wordsworth et de Coleridge prend obstinément en charge
l'individu humain dans ce qu'il a de singulier. Et ce, for thy sake, nous est-il rappelé
en matière d'épilogue. Car, et c'est par là que tout a véritablement commencé, les
Lyrical Ballads relèvent tout autant d'une poétique que d'une «politique de l'amitié»,
le temps au moins d'une collaboration restée quasiment sans égale dans l'histoire
de la poésie anglaise. Wordsworth ET Coleridge, ou la différence en partage.
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