La pensée de Lyotard a longtemps été injustement méconnue en
France. Peu étudiée, on avait tendance à la réduire, d'une part, à
des problématiques esthétiques relatives à la notion de figuralité
et, d'autre part, aux débats suscités par le livre de 1979, La Condition
postmoderne. Par ailleurs, l'étiquette de «pensée française»,
quand on l'utilise à propos de Lyotard, comme on a coutume de le
faire aussi pour ses contemporains mieux connus que sont
Deleuze ou Derrida, occulte en partie la richesse d'une philosophie
qui passe en complexité le seul souci de la différence.
Caractérise déjà cette pensée sa profonde évolution. Lyotard ne
cesse de remettre sur le métier ses positions. Sa philosophie traverse
des crises et connaît des remaniements profonds. Ainsi son
traitement du concept d'aliénation s'est-il beaucoup modifié.
Commençant par défendre la nécessité de cette notion comme
catégorie critique, Lyotard en vient à la rejeter ainsi que l'idée
corrélative d'émancipation, pour enfin tenter d'élaborer une
notion d'aliénation constitutive, qui a pour modèle notre rapport
à l'enfance, la langue et l'inconscient. Ainsi, demeure toujours
l'exigence de déterminer le rapport de la pensée à l'égard du
concept et du phénomène d'aliénation.
Les positions lyotardiennes possèdent une actualité et un intérêt
tout particuliers, aujourd'hui que renaissent les débats autour de
l'apport du concept d'aliénation pour la théorie sociale. Si nous
voulons aujourd'hui discuter - et défendre - cette notion, il faut
sans doute connaître les profondes objections de Lyotard et y
répondre. En retour, peut-être faut-il aussi confronter la critique
lyotardienne à une certaine irréductibilité ou résistance du
concept d'aliénation.
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