Bill prenait conscience du temps qui passait, de son état qui « s'améliorait ». Les trépidantes, périodiques métamorphoses que son esprit faisait subir à presque tous les objets, toujours fort déplaisantes, paraissaient d'une intensité moins insoutenable. Au début, pendant de longs intervalles, il oubliait l'autorisation qu'il avait de s'en aller s'il le désirait. À présent, il l'oubliait moins souvent. Après tout, il n'était qu'un ivrogne, pensa-t-il, bien qu'il eût longtemps prétendu, au contraire, qu'il était un fou, revêtu de la pleine dignité de la folie. L'homme qui se prenait pour un bateau. Et le temps passait, mais son sens de la durée était sujet à d'étranges interruptions.
Malcolm Lowry
Quoique de dimensions plus modestes qu'Au-dessous du Volcan, l'autre grande oeuvre de Malcolm Lowry s'appelle Lunar Caustic.
C'est le récit d'une désintoxication alcoolique vécue par l'auteur au Bellevue Hospital de New York. Il a porté ce récit à la hauteur d'une oeuvre d'art bouleversante où se trouvent tous les thèmes qui devaient faire de Malcolm Lowry l'un des écrivains les plus importants de ce siècle. Ce récit a hanté Lowry durant de longues années. Il en a écrit plusieurs versions. La présente réédition de Lunar Caustic est suivie de sa première version publiée en 1956, Le Caustique Lunaire, et augmentée du texte de Clarisse Francillon, Malcolm, mon ami, paru en 1960.
Lowry avait dit de ses personnages qu'ils étaient « les cariatides de la souffrance humaine ». Pour nous, il est l'un d'eux. Le plus proche, peut-être aussi le plus propre à « soutenir » par sa quête ce qui reste d'un monde qu'il voyait courir vers son écroulement. La rédemption qu'il attendait, il ne l'a pas connue, il ne pouvait, à la fin, continuer d'y croire. Le monde a triomphé de lui. Reste l'exemple du combat, admirable et désespéré.
Maurice Nadeau
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