François Guizot (1787-1874)
Mémoires. Tome XV. 1840-1847
Louis-Philippe Ier roi des Français
« Deux sentiments puissants agissaient en même temps sur lui. Il était prince et Bourbon ; il était né, il avait été élevé au sein de l'ancienne société française, à la cour de ses rois ; les maximes et les traditions de la monarchie de Henri IV et de Louis XIV ne lui étaient point étrangères. Associé d'autre part, dès sa jeunesse, aux idées et aux événements de la Révolution, il était sincèrement attaché à sa cause, mais vivement frappé aussi de ses égarements, de ses fautes, de ses douleurs, de ses revers. Il croyait, en même temps, à la nécessité du gouvernement libre et à la difficulté de le fonder.
Nous causions seuls un jour dans un petit salon de Neuilly ; nous discutions vivement ; il me prit la main : « Tenez, mon cher ministre, me dit-il, je souhaite de tout mon coeur que vous ayez raison ; mais ne vous y trompez pas : un gouvernement libéral en face des traditions absolutistes et de l'esprit révolutionnaire, c'est bien difficile ; il y faut des conservateurs libéraux, et il ne s'en fait pas assez. Vous êtes les derniers des Romains. »
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