Les archives de Louis de Dardel (1899-1963), sauvées de l’oubli dans un grenier de Neuchâtel, comprennent quelque 3 000 lettres et un grand nombre de notes que ce grand épistolier rédigea tout au long de sa vie. Dans l’une d’elles, datée du 6 février 1954, il se souvient de l’emprise, certes toute aimante, mais fort pesante qu’exerçait sur lui son père, Otto de Dardel, journaliste et député, « vu [...] comme un géant et ses souliers comme des bottes de 7 lieues ».
En 1914, alors que Louis de Dardel, âgé de quinze ans, se montre porté à la rêverie, au romanesque, voire au mysticisme, ce père, préoccupé, lui conseille de faire quelque chose d’utile de sa vie. Interprétant cette recommandation comme une injonction, le jeune Louis abandonne la section littéraire pour la scientifique, alors voie royale pour entreprendre une carrière qui lui permettra des réalisations concrètes, utiles pour ses contemporains. Lorsqu’il s’aperçoit qu’il fait fausse route, il n’ose affronter son père et ses « bottes de 7 lieues ». Mais à quelque chose malheur est bon, dit le dicton. Cette erreur d’aiguillage est à l’origine d’une métamorphose, car la voie scientifique dans laquelle il persévère envers et contre tout va transformer ce passionné des arts et des lettres en un homme complet, un humaniste fort rare au XXe siècle, qui réussit à concilier dans sa vie quotidienne art et science.
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