Avec Lolli, excellent recueil de poésie, Cheik Aliou Ndao a, sans nul doute, réussi le pari proposé par Lilyan Kesteloot qui, face aux difficultés nées de l'utilisation du français dans les littératures francophones d'Afrique, envisage l'écriture des textes en langues nationales et leur traduction, après coup, en français ou en anglais. De cette manière, les textes pourraient conserver toute leur puissance littéraire. Dans la traduction, le pari serait encore tenu. C'est dire que la lecture de Lolli - dont les poèmes ont été traduits par l'auteur lui-même - est une véritable délectation. On y entre avec le sentiment angoissant du temps suspendu à Njollor (Midi) et avide de connaître le mystère annoncé, puis on en sort repu de la richesse des thèmes et ivre des sensations que procure la ballade dans l'univers linguistique et culturel du wolof. Le poète célèbre la tradition avec laquelle il faut se réconcilier et qui, depuis Birago Diop ici honoré, se présente comme une belle parade contre les vomissures du siècle et comme une boussole essentielle pour les jeunes générations. La femme également est célébrée sous ses multiples aspects : génitrice et médiatrice du bonheur, mais aussi symbole de beauté, d'union et de paix. C'est la femme interminablement louée, depuis la jeune fille malheureuse dans le mariage forcé, jusqu'à l'amante offensée et exaltée en raison de son rôle dans l'éveil à la vie affective chez l'enfant. Le poète ne manque pas d'en appeler à l'union malgré les clivages sociaux, à l'unité continentale aussi, corollaire nécessaire des luttes de libération comme celle de l'Angola mutilée, mais toujours prête pour l'assaut final, comme celles menées par Lat Dior, Samory Touré et Lumumba. Ce voyage dans l'univers thématique se fait avec aisance dans la mesure où, face aux situations les plus difficiles, la plume convoie cet humour qui est aussi un indice d'endurance. L'autre support de notre délectation : la présence massive du wolof à travers la syntaxe du texte injonctif traditionnel et l'insertion fonctionnelle des proverbes, la poétisation qui laisse de Ndakaaru (ville de Dakar) l'image ambivalente d'une femme tantôt aguichante, tantôt répulsive, transfiguration de la mer qui, dans une puissante métaphore filée, est tour à tour lion, étalon « à la vue d'une jument », dromadaire « en rut », vague levant « ses pagnes », transmutation des arbres fleuris qui deviennent des femmes peules parées, dans l'attente de leur mari. Le choix de C. A. Ndao est pertinent : être profondément « écrivain sénégalais » de « langue wolof » traduit en français. C'est peut-être là un défi qui devrait susciter d'autres talents.
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