Lorsque Luc est parti, ses parents, Jean et Marthe, ont pensé que c'était mieux pour eux trois. Gilbert et Geneviève, son oncle et sa tante, eux aussi ils y ont cru. Mais pas Céline, sa cousine.
Elle, c'est la seule qui n'a pas été surprise, la seule à avoir craint que ce qui en Luc les menaçait tous finisse par s'abattre sur eux.
Comment expliquer l'incompréhension ? Dans Loin d'eux, elle est due à l'écart des générations, des milieux et des vies. De tous ces mots que l'on n'aura jamais en commun. Il sont la pelle qui creuse la fosse. La mère écrit à son fils à la recherche d'un port de rencontre qui n'existe plus. «On ne pourra jamais se fâcher en vrai, à trop s'aimer comme nous on s'aime on va plus loin que les autres vers les points de rupture, parce que nous on sait les digues solides et qu'on s'aimera toujours.» Aucun des adultes ne pressent le drame à venir. Ce jour de mai 1995 où la violence de la nouvelle viendra rompre un trop long silence.
Marie-Laure Delorme, Le Journal du Dimanche
Barrière des générations. Difficultés concrètes de la vie. Mal-être des jeunes gens. Ces constats ne sont aptes à dire que leur impuissance. Personne, ni des parents ni des enfants, ne porte la responsabilité de ce silence qui s'est accumulé, de ce langage absent qui, peu à peu, s'est substitué à l'autre langage, celui dans lequel on peut se parler. Tous le subissent, ce silence, comme une fatalité, comme une protection aussi. Tous l'éprouvent, cette solitude à plusieurs que l'image de la famille amplifie, mais qu'elle ne compense jamais. Tous sont condamnés à ne rien partager de ce malaise, de cette douleur.
Patrick Kéchichian, Le Monde
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