
L'Oeuvre impossible : Claudel, Genet, Fellini
Il existe chez tout artiste une « oeuvre impossible », reprise,
abandonnée, toujours inaccessible mais inlassablement méditée.
Trois brouillons sont ici présentés que trois des artistes les plus
grands et les plus prolifiques du XXe siècle ont laissés inachevés.
Claudel a longtemps voulu écrire une oeuvre où le christianisme
dialoguerait avec le judaïsme. Ce projet est continué dans un
brouillon fascinant : On répète Tête d'or (1949) où des prisonniers
préparent la pièce Tête d'or dans un camp, pendant la Seconde
Guerre mondiale. Jésus Christ (« le Fils de la Colombe ») y
affronte le « garçon de café juif » (la Synagogue).
Genet a longtemps travaillé à La Mort. En 1954, il en publie des
Fragments. Quelques brouillons inédits (Les Folles, Peur de mourir) se
rattachent au grand projet, finalement détruit.
Le tournage raté d'Il Viaggio di G. Mastorna, voyage au pays des
morts, est devenu une légende. Fellini écrit un scénario dont il
abandonne le tournage. A ce projet il reviendra souvent, sans
pouvoir jamais le réaliser.
Or il se pourrait que ces textes, bien qu'inachevés, autorisent
l'approche la plus aiguë de l'oeuvre de Claudel, Genet, Fellini.
Bien qu'inachevés ? Y aurait-il un lien fondamental entre
l'oeuvre impossible et le reste de l'oeuvre que ces projets fantômes
éclairent de façon nouvelle ? Toute oeuvre ne serait-elle pas,
essentiellement, impossible ?
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