De nombreuses études ont interrogé les conditions intellectuelles,
sociales et politiques qui conduisirent, au tournant des années 1900,
à penser la ville autrement. Mais rares sont celles qui ont rendu
compte de l'influence décisive que les dispositifs matériels eurent
sur la formation des concepts et la légitimation des démarches en
urbanisme lors de cette période charnière. L'OEil raisonné s'attache
à l'un d'entre eux, la carte statistique. En suivant une approche
socio-graphique, l'auteur suggère que l'urbanisme naît de deux
fascinations : celle du désordre urbain, d'une part, étroitement lié
à l'essor de la ville industrielle, et celle du nombre régulateur, d'autre
part, qui permettrait de discipliner ce même désordre. À travers
l'analyse de trois épisodes marquant l'histoire de l'urbanisme
(le projet du «Grand Paris» étudié par Marcel Poëte et Louis Bonnier
durant les années 1910, l'exposition «La ville fonctionnelle»
présentée par les CIAM à Athènes et dans d'autres villes européennes
au milieu des années 1930, et la réflexion de Gaston Bardet sur
le quartier et les échelons communautaires, datant des années 1940),
l'auteur montre que la statistique, par ses nomenclatures,
ses images et ses modèles, devient un outil incontournable pour
nombre d'architectes qui s'occupent de tracer concrètement
les plans des villes, ainsi que la condition de possibilité d'un projet
urbain qui se veut tant objectif que prédictif.
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