«La littérature nationale n'a plus guère de sens à présent,
l'ère de la littérature universelle est à l'ordre du jour, et chacun
doit à présent contribuer à accélérer l'avènement de
cette ère». Ainsi s'exprimait Goethe dans un entretien avec
Eckermann daté du 31 janvier 1831. Dans le contexte cosmopolite
de la vie littéraire de l'époque - allemande à l'origine
- et dont l'activité de traduction importante constitue
un témoignage manifeste, Goethe écrivait, quelques années
plus tôt, au traducteur des classiques italiens, Karl
Steckfuss : «je suis persuadé qu'une littérature universelle
va se constituer», et il se faisait prophète en disant :
«l'Allemand peut et doit y contribuer, il aura un beau rôle
à jouer dans cette entreprise» Le concept, fluctuant et
ambigu, de «Weltliteratur» ou de «littérature universelle»
était né.
Victor Klemperer (1881-1960), dans cet essai éclairant, écrit
dans les moments de tribulations de quelqu'un qui voit se
briser un à un les fondements de la culture européenne,
suit les avatars de l'évolution de cette idée, de l'humus qui
l'a rendue possible à son sens dernier. En forgeant le terme
et le concept de littérature universelle, Goethe fut le premier
à pressentir, à nommer, à véritablement montrer et
à porter ainsi à la conscience générale, quelque chose qui
a une réalité ensuite : la littérature européenne.
Klemperer fait ressortir les liens et les différences caractéristiques
existant entre les concepts de littérature transnationale
avant Goethe, à son époque et après lui. Un parcours
dans lequel se retrouve, illuminée, une idée morale
de l'Europe.
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