La virtuosité pianistique appartient au genre de la musique
instrumentale, en plein essor dans la musique européenne de
la première moitié du XIXe siècle. Pourtant, du fait de ses
caractéristiques d'exécution et de démonstration, elle cumule
les désavantages de la musique instrumentale (pas de mot,
donc pas de sens), et ceux de la musique vocale dramatique
(elle serait du côté de la gesticulation plus que de l'expression).
Comment, sur les bases de la philosophie romantique
allemande, en particulier d'E.T.A. Hoffmann - la musique
instrumentale et la virtuosité pianistique acquièrent-elles en
France un nouveau statut ?
Les détracteurs de la virtuosité trouvent une tribune dans la
Revue musicale de Fétis, qui constitue notre première source.
Le virtuose romantique de son côté n'est plus seulement
exécutant, mais aussi artiste créateur, et, à ce titre, également
parfois écrivain. Les écrits de Liszt constituent donc notre
seconde source. Les écrits critiques de ces musiciens
permettent d'étudier la rencontre des deux arts, à une époque où
la musique instrumentale commence à être jugée à l'aune de la
littérature, où naît une intense réflexion sur les places respectives
de la littérature et de la musique dans la création artistique : la
musique, art de divertissement, tire-t-elle son statut artistique de
la littérature ? Comment et quand a-t-elle acquis son statut de
création autonome, indépendante de l'art poétique ?
Un nouveau type de musicien apparaît alors, dont Liszt est le
modèle, qui se soucie du «sens» de l'art musical et aspire au
«renouvellement de la musique par son alliance avec la poésie».
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