Alors qu'existait, depuis au moins la fin de la Seconde Guerre mondiale, un consensus scientifique sur l'inexistence biologique des races dans l'espèce humaine, celui-ci a éclaté, et le vocabulaire de la race a envahi le champ académique et médiatique. Pour un certain nombre d'auteurs, qui, pour la plupart d'entre eux, se disent appartenir à la pensée décoloniale, il faudrait, la lucidité serait à ce prix, briser ce consensus. Il s'agira ici, d'une part, de rechercher les sources de ce retour à des conceptualisations que l'on pouvait croire oubliées et, d'autre part, d'en mesurer les effets sur la vie intellectuelle, principalement dans l'espace français.
Lorsqu'un débat que l'on pensait appartenir au passé ressurgit, les causes de son retour sont évidemment essentielles à sa compréhension mais aussi à l'estimation de l'avenir qu'il nous promet. Car la racialisation du monde à laquelle nous sommes confrontés est non seulement scientifiquement illégitime, mais également politiquement mortifère. Elle contribue de façon massive à détourner des véritables enjeux, en particulier ceux qui tiennent à la lutte contre les inégalités sociales. En première approximation, dans des secteurs de plus en plus nombreux de l'univers socio-politique, la lutte des races s'est substituée à celle des classes. Cette offensive ne se situe pas seulement à l'extrême droite mais également, et c'est là l'une des sources de notre inquiétude, avec une aura académique de plus en plus grande, dans des milieux se revendiquant de la gauche, parfois dite radicale (quoique l'on puisse penser de la légitimité de la radicalité revendiquée).
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