"Livre de chair où la chair est transpercée par le cri. Ainsi l'arbre est traversé de lumière.
Poème d'exigence et sûrement, de grande intensité, violent dans sa retenue, brûlant dans ses retours et ses ruptures.
Dans le temps et hors du temps."
Ces lignes qu'Edmond Jabès adressa à Yaël Cange pourraient suffire à cerner l'extrême singularité d'un style : le poète de L'Infigurable mène une entreprise unique, la mise en œuvre littérale d'une sorte d'inconnaissable procès de vie. Récit et chant alternés, ce réquisitoire en forme de mélopée s'émaille d'éclaircies et de sombres métaphores.
L'auteur manifeste une écriture de l'émotion crue, ou plutôt du désarroi qui en demeure, du saisissement après cession, cela dans une torsion savante de la langue que rythment les halètements et les cris ramenés par le travail poétique à la scansion musicale. Imprécations, révolte du poing mordu, appel déchiré au monde, un verbe en état légitime d'exploration de la douleur, ne trouve d'autre issue que l'âpre musique d'une voix pour apprivoiser le supplice aux creux des signes, là où l'innocence guette enfin, inexpiable.
"A l'ange-répond le couteau", dit-elle. Et ailleurs : "la sève est un jardin". Au comble de l'effroi, le plus beau chant revisire l'inhumaine douleur.
Après Les Marches (Plasma) et Stridences (Dumerchez), Yaël Cange poursuit avec L'Infigurable une démarche d'une fière solitude où elle tente de rapprocher au plus présent des mots, l'intensité dramatique du corps et la rigueur intériorisée d'une symbolique de l'absence.
H.H.
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