« Savez-vous à qui je pense, en cette minute ?... Je pense à Inès de Llar, à cette jeune fille de Villefranche qui, par amour pour un officier français, trahit, dit-on, son père, sa mère et tous les siens, avec leurs amis et leurs proches, qui avaient formé le complot de livrer la place aux Espagnols. Voilà vingt ans, moi aussi, que je vins à Villefranche pour la première fois. Trois lignes du guide me révélèrent l'existence de cette jeune passionnée. Je n'en sais pas plus, sinon que ce terrible drame d'amour se passa en 1674, au lendemain de l'annexion du Roussillon et de la Cerdagne à la France. Mais, depuis ce temps-là, chaque fois que je reviens ici, je rêve de cette petite patricienne, de cette fille de hobereaux tout gonflés de morgue castillane, et je me dis qu'elle dut être bien affamée d'amour pour commettre un pareil crime, pour imprimer une pareille tache sur le blason familial. Elle m'inspire une sympathie et une pitié profondes. Quand j'entre à Villefranche, c'est cette pâle figure aux grands yeux tristes que j'aperçoive toujours, derrière les meurtrières des vieux remparts ou les fenêtres grillées des vieux logis...
- Comme vous, dit l'Évêque, - et depuis plus longtemps que vous, - j'aime Inès de Llar. Je lui pardonne. Elle a dû tant souffrir ! ...
Et, après avoir réfléchi un instant, il prononça, avec la plus pressante persuasion :
- Il faut que vous racontiez cette histoire !...
Comment cela se fit-il ? Instantanément, je fus convaincu qu'il le fallait en effet. »
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