«... tous les yeux ne sont pas propres à goûter les délicatesses de
la peinture. Beaucoup ont l'oeil faux ou inerte ; ils voient
littéralement les objets, mais l'exquis, non», regrettait Eugène
Delacroix à la fin de son journal, en 1863. L'auteur de cet ouvrage
tente d'approfondir cette opposition esquissée par le peintre de La
lutte de Jacob avec l'ange en l'église Saint-Sulpice, à Paris. Elle
propose de se situer non plus dans l'extériorité et l'indifférence de
l'objet - l'inerte -, afin de réfléchir à la création poétique et
artistique, mais d'adopter la perspective du sujet, - l'exquis -, ce
qui implique, par-delà le résultat, soumis au jugement de goût, de
ressaisir le commencement, ou l'origine, au sein de la continuité
existentielle. Ainsi se forme une pensée du singulier, défini non pas
comme individualité confinée à sa seule autobiographie, mais
comme Je lié à un Tu dans une intersubjectivité féconde,
s'exprimant dans l'instant-miroir qui, au présent, renoue le passé à
son avenir, le multiple à son analogie. Méditant, au sein de l'esprit
du récit, sur les composantes de l'oeuvre - altérité et devenir -, le
critique, et poète, met en relief concepts et figures qui manifestent
dans leurs métamorphoses le mouvement de la nuit intérieure en
sa «patience active», selon l'heureuse expression de René Char.
L'ouvrage appelle à un renouveau de la réflexion poétique en nos
«temps de pénurie», le récit en sa source singulière se portant
garant, aux profondeurs, de l'intégrité de l'être - notre
enchantement.
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