Durant la Grande Guerre (1914-1918), en France et en Angleterre, des milliers de femmes prirent la relève des hommes mobilisés au front. De la filature ou du service domestique, elles passèrent au monde exclusivement masculin de la métallurgie. La division sexuelle du travail ne disparut pas pour autant en 1914. Les patrons anglais, tout comme leurs homologues français, transposèrent cette différence à l'intérieur même du processus de production : la différence sexuelle, qui avait jusqu'alors servi à exclure les femmes, fut désormais utilisée dans une nouvelle division du travail. Les industriels réorganisèrent les hiérarchies et partagèrent les tâches entre hommes et femmes : il en résulta une structure inégalitaire, justifiée par des différences «naturelles» intangibles, évoquées à travers un langage sexué sur le savoir-faire.
Laura Lee Downs étudie ainsi le passage d'un ordre artisanal à un système de production en série et, plus largement, la genèse de l'usine moderne. Avec l'arrivée massive des femmes dans une industrie de premier plan, les patrons français et anglais ont pris conscience du besoin d'une discipline stricte pour les ouvrières, mais aussi de la nécessité de ménager leurs forces physiques afin de ne pas mettre en danger la maternité ouvrière. Pendant l'entre-deux-guerres, la solution consista à intégrer les femmes à un travail répétitif, organisé de façon très élaborée.
Appuyé sur des archives inédites, ce livre constitue un apport important à l'histoire sociale, mais aussi à l'histoire des femmes et des techniques.
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