Terres et gens d'islam (IISMM)
Premier pays musulman du monde, l'Indonésie donna naissance, dans la décennie ayant suivi son indépendance, à l'une des tentatives les plus abouties pour concilier principes islamiques et démocratie.
Fondé en 1945 autour du projet d'un État islamique, interdit en 1960 pour avoir défendu la démocratie indonésienne face à la dérive autoritaire du président Soekarno, le parti Masjumi incarna les hésitations d'un Islam indonésien tiraillé entre démocratie musulmane et Islam intégral. Enfants naturels de la politique éthique du gouvernement colonial néerlandais, mais aussi héritiers de la tradition humaniste du réformisme musulman des premières décennies du XXe siècle, ses dirigeants se firent les farouches défenseurs d'une vision universelle des droits de l'homme et les apôtres d'une Indonésie multiconfessionnelle. Les mêmes pourtant devinrent, à partir de la fin des années 1960, les promoteurs d'un mouvement de radicalisation qui, aujourd'hui encore, menace le fragile équilibre religieux de l'Archipel.
L'histoire de leurs étonnants compromis, de leurs hésitations déroutantes entre sécularisation audacieuse et sacralisation frileuse, témoigne de l'impérieuse nécessité d'une approche fine et contextualisée de la question de l'Islam politique. Elle condamne, au rebours, les impasses d'une approche essentialiste qui, en s'arc-boutant sur le postulat d'un Islam qui ignorerait toujours et partout la séparation entre temporel et spirituel, entend limiter l'étude de l'histoire des sociétés musulmanes à celle de leur théologie.
Aux marges d'un paradigme arabo-musulman qui occulte trop souvent la diversité de l'Islam, l'histoire méconnue de ce qui fut sans doute le plus grand parti musulman du monde est porteuse d'enseignements majeurs relatifs à l'alchimie complexe et fragile du lien entre la religion musulmane et la démocratie.
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