Cette histoire de la métaphore du jeu d'échecs n'a aucune vocation
à l'éloge. Il n'y a donc ni «roi des jeux» ni «jeu des rois» dans
cette histoire sinon pour discuter les formulations laudatives et
jeter le doute sur le fantasme de maîtrise qui caractérise l'emploi
de l'image du jeu d'échecs. Nous partons d'une curiosité : cette
métaphore, tombée en désuétude après la Renaissance, trouve
un regain de vitalité à la fin des Lumières, grâce à l'apparition
de la figure du joueur d'échecs, variation particulière du mythe
du génie. Comment comprendre cette disparition momentanée
puis la recrudescence et la prolifération de la métaphore du
jeu d'échecs ces cinquante dernières années ? La portée d'une
telle métaphore déborde la simple représentation d'un univers
ordonné. Plus qu'une image de la complexité du monde,
l'imaginaire du jeu d'échecs témoigne d'une mise en scène de
la cérébralité guerrière et d'une forme d'héroïsme intellectuel
jusqu'alors très peu interrogé. Ainsi par-delà le polymorphisme
apparent de la métaphore, cette étude imagologique met à jour
des constantes formelles qui circonscrivent une multiplicité de
textes qu'il convient de ranger au sein de ce que nous avons
appelé la littérature aléaphobe.
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