Pour construire l'Israël des débuts, de quelles visions du passé juif,
de quelles images d'un avenir régénéré se sont nourries les
premières générations israéliennes ? Quel regard les générations plus
proches ont-elles porté sur l'expérience historique des fondateurs, et
comment faire pour intégrer dans l'imaginaire commun la mémoire de
leur propre parcours ?
Mêlant empathie et distance critique, Anita Shapira fait l'inventaire des
modèles qui ont gouverné le rapport au passé pour les différents courants
sionistes. Elle montre quels types de sensibilité, quels principes
directeurs, quelles inquiétudes et quels remords guidèrent les fondateurs
dans leurs efforts, pour concilier par exemple la préoccupation
nationale et l'ouverture sur l'universel, ou pour définir l'attitude à tenir
face à la tradition religieuse.
Dans la lecture commune du passé, comment la Shoah ne tiendrait-elle
pas une place centrale ? À ce sujet, les conclusions d'Anita Shapira
sont de nature à surprendre. Le régime du souvenir s'est transformé
en Israël au même rythme qu'en France, en Allemagne ou aux États-Unis,
et dans le même sens : depuis le refoulement de l'expérience
proche dans la sphère privée jusqu'à l'explosion de la mémoire, du
culte du héros à celui de la victime.
Loin des complaisances de l'histoire héroïque comme des rengaines
de l'exercice de dénonciation, le livre d'Anita Shapira offre la meilleure
introduction aux systèmes de valeurs et à l'univers symbolique qui sont
les clés de l'histoire israélienne.
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