«Je pense que dans l'histoire de tous les arts et de toutes les
cultures, il y a la nostalgie de ce moment primordial - et non pas
primitif - où le même était en rapport en l'autre. Le même qui
était l'habitant des cavernes, par exemple, son autre ce n'était
pas un autrui, son autre, c'était l'animal et l'entour. Dans ce sens,
quand il rencontre l'autrui et que commencent les guerres, et que
commence la vie de société, il abandonne la tentative de fusion et
de communion avec l'autre qui était l'animal et l'entour pour
entrer dans les vicissitudes de la vie en société et peut-être de
l'histoire. C'est-à-dire la relation avec un autrui, avec un autre
qui serait semblable à lui-même. Il me semble que toute l'histoire
des arts de toutes les humanités est une espèce de tension vers
ce point de fusion, de connivence avec l'autre de l'animal, l'autre
de l'arbre, l'autre des choses, et que cette sourde tension a été
toujours - et peut-être heureusement parce que c'est une tension
insupportable - masquée, barrée, par une conception du beau
comme consentement à des règles, consentement à des lois,
consentement à un ordonnancement.
Il y a cette dualité dans ce que nous concevons de la beauté.
Une fois de plus, je reviens à Rimbaud. Quand il dit : "Il faut se
faire voyant", il dit qu'il faut être capable de voir ce moment de
fusion primordiale.»
É. G.
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