Depuis les grandes monographies de Louis-Vincent Thomas en
anthropologie et de Paul Pélissier en géographie humaine parues dans
les années 1960, les sociétés jóola ont fait l'objet de multiples travaux :
historiens, ethnologues, sociologues, géographes, linguistes, juristes se
sont succédé sur le terrain pour en explorer tour à tour telle ou telle
facette, telle ou telle micro-région. Dès les années 1970, une première
génération d'intellectuels natifs de la région réfléchissait sur les institutions,
les traditions orales et les rituels villageois. Le conflit casamançais
qui a éclaté en 1982, en focalisant l'attention de nombreux chercheurs
sur les ressorts de la rébellion et la représentation des différentes
populations au sein du MFDC, a semblé renvoyer à d'autres lunes l'intérêt
et l'opportunité de poursuivre des recherches ethnographiques. Par
la voix des idéologues du mouvement indépendantiste se répandait une
nouvelle vulgate, construite sur des héros historiques, un royaume et
une onomastique. Depuis 2002, date à laquelle Paul Diédhiou a soutenu
sa thèse, d'autres travaux ont enfin exploré la question de la construction
historique et politique d'une «identité jóola».
Du lutteur, dont l'intellectuel natif du village est devenu la figure
alternative comme porte-flambeau du village, Paul Diédhiou a toute la
pugnacité. Ainsi s'attaque-t-il de front aux discours identitaires postulant
une sorte d'identité essentielle et d'unité commune à tous les Jóola,
en les soumettant à une double critique : il rapporte ces arguments aux
trajectoires sociales de leurs auteurs, villageois diplômés et émigrés en
ville, d'une part, et, de l'autre, à la manière dont les habitants définissent
eux-mêmes la nature et les limites de leurs appartenances. L'originalité
et la véritable pertinence de son travail sont précisément de mettre
en regard les conditions historiques de l'émergence de cette entité
«jóola» avec les modes locaux d'identification et de différenciation.
C'est en partant des catégories endogènes, à commencer par l'interdit
de crime sanglant entre co-villageois, et des modalités instituées d'interrelations
entre unités villageoises (coopération rituelle vs guerre) qu'il
redessine les frontières, toujours mouvantes, entre identité et altérité.
Loin de jouer au héraut villageois ou de faire valoir sa position de
chercheur «issu du milieu», il analyse avec une grande lucidité les
fractures et les oppositions, ravivées par la guerre, entre habitants de la
région.
Extraits de la préface d'Odile Journet-Diallo
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