Les Hommes, contrairement aux autres animaux sociaux, ne se contentent pas de vivre en société, ils produisent de la société pour vivre. Ils fabriquent de l’histoire, l’Histoire, et ce, parce qu’ils ont dans leur nature propre la capacité de s’approprier la nature et de la transformer. S’approprier la nature, c’est, pour l’homme, inventer des moyens matériels et idéels pour disjoindre certains éléments des écosystèmes qu’il exploite et les faire servir à ses besoins. Cette action implique la mise en œuvre de rapports sociaux qui lui servent de cadre et de support et qui, quelle que soit l’instance où ils se situent, fonctionnent comme des rapports sociaux de production, ou, selon un parler plus commun, comme des rapports économiques.
Quel est le poids des réalités matérielles, celles de la nature extérieure à l’homme et celles qu’il a créées, et quel est le rôle de la pensée dans la production des rapports sociaux ? Tout le mouvement du livre est là : de l’analyse des rapports sociaux de production à celle de la production des rapports sociaux. Le point d’appui de ce mouvement est dans la constatation que la part idéelle de tout rapport social n’est pas seulement le reflet plus ou moins déformé de ce rapport dans la pensée, mais l’une des conditions mêmes de sa naissance, condition qui devient un élément de son armature interne.
L’auteur montre et son analyse constitue un défi aux schémas reçus que des deux forces qui composent celle d’un pouvoir de domination et d’exploitation, la plus forte n’est pas la violence exercée par les ordres, les castes ou les classes qui dominent une société, mais le consentement des dominés à leur domination. La « boîte noire » à l’intérieur de laquelle la pensée doit pénétrer, si elle veut peser sur l’évolution de nos sociétés, est bien le mécanisme de production de ces représentations partagées par des ordres, des castes, des classes opposés et c’est vrai aussi des rapports entre les sexes. L’un des grands problèmes des sciences sociales, dont les enjeux scientifiques et politiques sont énormes, est là.
Né en 1934, Maurice Godelier, après avoir travaillé auprès de Fernand Braudel à la VIe section de l’EPHE, puis de Claude Lévi-Strauss, professeur au Collège de France, est, depuis 1975, directeur d’études à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales. En 1982, il a été nommé directeur scientifique au CNRS, chef du département des Sciences de l’homme et de la société.
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