« Il est devenu difficile, je ne dirai pas de classer, mais de compter les publications relatives à la suggestion et à l’hypnotisme. Je demande donc au lecteur la permission de le conduire assez rapidement au moment même où nous sommes. Je le tiens pour suffisamment informé des premières origines de la question. Il sait le bruit que fit, aux approches de la Révolution, Mesmer avec le magnétisme animal. Il sait que ce mot (dont la vie est dure) désignait une hypothèse caressée encore aujourd’hui par quelques esprits, celle d’un fluide analogue à l’aimant, que certaines personnes auraient le pouvoir de dégager, puis de diriger sur tels ou tels de leurs semblables pour y produire des effets merveilleux, sommeils artificiels, extases, visions, guérisons sans remèdes. Le lecteur sait qu’une commission nommée par l’Académie des sciences en 1784 (et dont faisaient partie Franklin, Bailly et Lavoisier) fut chargée d’examiner les pratiques de Mesmer : elle écarta l’idée d’un fluide animal universel, et dans les phénomènes que l’on attribuait au jeu de ce fluide, elle essaya faiblement de démêler la part respective de ces trois causes, imitation, imagination et attouchement. Les mots du moins étaient heureusement trouvés : ils contenaient l’indication de toute une méthode propre à vérifier plus d’un fait réel. Mais les esprits ne tardèrent pas à être occupés de choses plus immédiates : la Terreur et la guerre allaient suffire aux imaginations les plus avides d’émotions et de coups de théâtre.
Dès la fin de l’Empire, cependant, Deleuze et l’abbé Faria ramenaient l’attention sur le magnétisme. Ce n’était malheureusement pas par les voies de l’observation et de l’expérience méthodiques. Partiellement éclairés, comme nous le sommes ou croyons l’être aujourd’hui, sur la production de faits jugés longtemps impossibles, nous ne traitons sans doute pas ces hommes de charlatans. Nous voyons qu’ils mettaient en action des forces dont ils ne savaient pas se rendre compte et qui leur donnaient des effets de nature à leur causer à eux-mêmes d’assez vives surprises. Mais, cédant à une pente bien humaine, ils visaient plutôt à dépasser la sphère de la nature et celle de la science qu’à s’y tenir scrupuleusement pour y avancer pas à pas.
Saisie de la question en 1825, obligée de se prononcer en 1831, l’Académie des sciences ne voulut, elle aussi, porter le débat que sur ce terrain imaginaire. Elle demanda qu’on lui donnât des preuves de double vue, de lecture à distance ou à travers des milieux opaques. Là elle n’eut à constater que des échecs. Comme on l’a dit, “cherchant le merveilleux et ne l’obtenant pas, elle conclut purement et simplement à la non-existence du magnétisme”. »
Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.
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