L'homme-tigre. Quand à la fin du premier chapitre de ce roman impeccablement
construit, les autorités demandent à Margio, de toute évidence coupable du meurtre
d'Anwar Sadat, pourquoi il a sauvagement assassiné ce notable, il répond : «Ce n'est
pas moi, il y a un tigre dans mon corps.»
Ce tigre, «blanc comme un cygne, cruel comme un chien féroce», lui vient de son
grand-père. Si, à diverses occasions, il l'a senti pénétrer dans son corps, il a toujours
tenté de le réfréner. Personnage à part entière de ce drame qui plonge ses racines
dans les croyances animistes, le tigre ne jaillira qu'au moment où le jeune homme ne
pourra plus contenir la colère qu'il réprime.
Pour élucider les raisons du meurtre, Eka Kurniawan revient sur le passé de Margio.
Rien en effet dans la vie de l'inoffensif Anwar Sadat ne laissait présager une fin aussi
violente : peintre amateur, il vivait aux crochets de sa riche épouse, et employait ses
heures d'oisiveté à jouer aux échecs, regarder des matches de football et courir les
femmes.
Avant que le père de Margio ne se décide à exercer en ville son métier de coiffeur,
sa petite famille vivait paisiblement au coeur de la campagne indonésienne. L'arrivée
dans la maison des faubourgs marque pour Nuraeni, la mère de Margio, le début de la
désillusion. Et, pour Margio, celui de la révolte. Au fil des années et de la mésentente
entre ses parents, la colère va croître en lui, envahissant tout, comme les plantes que
Nuraeni cultive sur leur misérable lopin de terre. Leur foyer devient une jungle étouffante,
à laquelle cette femme, encore jeune et belle, essaye d'échapper en allant effectuer des
travaux domestiques chez d'autres. Notamment dans la demeure d'Anwar Sadat...
Dès lors se nouent les fils de la tragédie qui va irrémédiablement lier la destinée des
deux familles, et provoquer le surgissement du tigre blanc.
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