Qu'est-ce donc que ce monde où l'homme semble sans repos, où les raisons d'être ne sont plus, à maints égards, que des raisons de vitesse ? Comment s'est-il substitué, jusqu'à l'effacer, à l'univers ancien où l'homme, assujetti aux règles divines et aux hiérarchies ontologiques, suivait son chemin sans imaginer prendre de vitesse le mouvement du monde ?
Autrement dit, pourquoi et comment faire vite a-t-il pu devenir une fin en soi ? Devenus ce que nous sommes, nous imaginons volontiers que l'empire de la vitesse est sorti tout armé du seul progrès technologique, lui-même amené par le désir «naturel» d'échapper à la contrainte du temps subi ou perdu. Mais en réalité, le concept a précédé le rêve, la subtile raison scientifique a appelé cet aveuglant, exaltant et périlleux changement de monde, dont seul un retour sur le témoignage des artistes et des écrivains nous permet aujourd'hui de prendre la mesure.
Le grand mérite de cet ouvrage est de montrer comment, s'agissant d'un trait majeur de notre civilisation, se sont articulés le scientifique et l'extra-scientifique. L'enquête, en soi passionnante, originale par la place qu'elle accorde à ce révélateur majeur qu'est l'évolution des conceptions esthétiques, contribue avec bonheur à nous placer dans la position épistémologique nécessaire pour affronter une autre tâche indispensable : appréhender le jeu contemporain de l'homme et du temps.
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