L'histoire, l'ordre et le chaos
L'ego-histoire, en un peu plus de trente ans, a acquis un nom et collecté de beaux succès. Cet exercice qui fait dire à l'historien d'où il parle, en soulignant la façon dont il se situe dans l'acte de produire l'histoire, s'est même constitué en un genre.
D'un mémoire d'habilitation à diriger des recherches, qu'il a repris et prolongé en l'ouvrant aux interventions de deux autres médiévistes, Julien Théry et Patrick Boucheron, et d'un artiste, Éric Fonteneau, maître du dessin, Philippe Josserand a fait un livre, interrogeant son parcours d'homme et d'historien. La discipline qu'il a élue au sortir de l'enfance revêt pour lui une dimension existentielle. Elle l'a tenu face à la béance, lui permettant d'apprivoiser le chaos du monde et celui de l'être pour y reconnaître, en écho à Alberto Manguel, un ordre « d'une beauté, d'une élégance indéfinissable, qui nous atterre et nous attire ».
Avec gaîté, pudeur et ironie, l'auteur, dans une écriture tenue et tendue, revient sur lui et découvre au lecteur « sa » fabrique de l'histoire. Jouer le jeu d'une « anthropologie de soi », toutefois, ne signifie pas se prendre au « je ». L'intime a sa part, irréductible par force, mais le récit s'attache d'abord à ce qui distingue et à ce qui unit, à ce qui fait que le « nous », parfois, est un « autre » - aujourd'hui comme hier - et que l'« autre », toujours, résonne en « nous », participant de nos appartenances comme de nos identités et servant de façon décisive à les forger.
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