J'ai passé une semaine à Berlin au printemps de 1998. Prenant congé de moi, mon hôtesse me demanda de lui faire part de mes impressions, sur une cassette, de manière à épargner mon temps. La parole, les magistratures qui lui sont attachées, me sont étrangères ; par goût et par exigence, la solitude m'a porté vers l'écrit. Qu'eussé-je dit sur l'Allemagne qui ne m'eût poussé à l'examen et à la réflexion ? Cependant, m'atteler à un texte de quelques pages, afin d'exprimer mes remerciements et préciser quelques idées - l'essentiel de mon expérience berlinoise devant être versé à un roman, en cours depuis une quinzaine d'années - tel avait été l'objectif fixé, un soir de juin de la même année, peu de temps après mon retour à Paris.
Je me suis laissé déborder : au bout de deux ans, voici une lettre à dimension livresque. Expliquer comment j'en suis venu, à l'issue d'un lent travail, à rompre un vieil interdit - ne jamais mettre mon pied en terre allemande - a nécessité un développement qui m'eût conduit à une véritable thèse si je ne m'étais astreint à faire un choix. Privilégier la conversation, discuter au besoin, dire le mal d'être après la Shoah ; conversation franche, certes grave et, au besoin, référencée ; conversation quand même si l'on assigne à celle-ci un but : éclairer un lien, donc s'éclairer.
Je suis né fort loin de l'Allemagne ; ma famille n'a pas été touchée par le plan d'extermination de l'Etat hitlérien. Pourtant, par goût de sa culture, par admiration de sa littérature, des grands philosophes, l'Allemagne a été, très tôt, dans ma vie, une compagne, un centre de recherche, une fascination, une obsession, le lieu d'une dichotomie ambiguë : un binôme amour/répugnance que George Steiner appelle <
D. C.
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