Ce livre n'est pas seulement, le moins prévenu des lecteurs s'en douterait, une lettre à un genou - mais aux deux genous et aussi aux yeux, au nombril, aux pieds (longue plainte car ils sont fatigués...). L'auteur, d'ailleurs: "J'étais parti d'un entretien avec mon genou, l'innocence même, et j'en suis à considérer la cruauté du monde." Merveilleux.
Prétexte, donc, le genou pour Eric Ollivier qui fait le tour de son corps à dessein de se parler... Monologue d'un grincheux averti, d'un rebelle-né qui s'en prend à la vie contemporaine, à ses travers, ses tics, ses malfaisances... Sans illusion sur la condition humaine et sur le monde, Eric Ollivier, sceptique actif, morigène, fulmine et déplore, ce qui ne l'empêche pas de proposer mille réformes à l'avènement desquelles il ne croit pas. Alors il sourit, ce misanthrope voudrait les hommes autres qu'ils sont et, ici dans cette Lettre, porte encore plus loin l'art de vivre que, moraliste à la façon de Montaigne, il avait développé dans La loi d'exil, son livre précédent.
Amusant et grave, quelquefois douloureux, riche de fulgurations, cet essai donne à l'anatomie une place que la littérature, à l'ordinaire, lui mesure... On s'en réjouit.
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