Au début du XIXe siècle, à l'époque de la promulgation du Code civil, la philosophie de la responsabilité régnait sans partage : chacun est responsable de son sort. La liberté est sans excuse. Incapables d'offrir des solutions satisfaisantes aux grands défis posés par l'industrialisation, nos sociétés trouvèrent, dans la philosophie du risque et l'institution de l'assurance, des instruments plus adéquats à leur gouvernement. Ainsi est né ce qu'on appelle, improprement, l'Etat providence. François Ewald, à partir de la généalogie de celui-ci, en brosse le portrait. Sans se limiter aux aspects juridiques et sociaux de son histoire, il en dégage aussi les dimensions, philosophique et morale. Il montre qu'elle est liée à une expérience particulière du mal - donc au besoin de sécurité - sous la forme de l'accident. L'Etat providence constitue une fresque panoramique composée comme un drame de la raison politique : si les assurances privées ou sociales ont eu pour effet de multiplier les cas de responsabilité, s'il est faux de parler d'un déclin de responsabilité, il est, en revanche, patent que l'existence de l'Etat providence est la preuve que nos sociétés ont définitivement renoncé à se gouverner selon le principe de liberté.
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