En URSS, dès la révolution d'Octobre, l'Etat fut conçu sur un modèle militaire. Pour Lénine, les membres du Parti étaient les soldats d'une armée en campagne. La centralisation de la prise de décision et la domination du collectif sur les libertés individuelles caractérisaient tant l'organisation militaire que politique. Cette symbiose institutionnelle et idéologique ne prit fin qu'avec les réformes de M. Gorbatchev. Aujourd'hui, l'abandon de l'autoritarisme suppose un contrôle démocratique de l'armée et la reconnaissance des libertés individuelles en son sein. Pourtant, en Russie, la transformation des relations entre l'Etat et l'armée est loin de suivre ce modèle idéal. «En haut», la démocratisation de la prise de décision est pastichée, voire ouvertement enfreinte : la concentration patrimoniale du pouvoir militaire entre les mains du Président, la marginalisation des pouvoirs législatif et judiciaire, la pratique du secret et l'absence de réforme militaire témoignent de pratiques empruntées au passé. «En bas», s'agissant des relations entre l'armée et la société, des tensions se développent : les libertés politiques et économiques nouvelles accordées au citoyen russe lui sont refusées dès qu'il entre dans l'armée. Des stratégies informelles, voire illégales (entraide, insoumission, corruption), se développent pour permettre la reconnaissance de l'individu face aux exigences du collectif. Pour contourner des pratiques institutionnelles marquées par l'autoritarisme, les pratiques sociales s'individualisent mais restent étrangères à un épanouissement public de la citoyenneté.
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