En 1527, pour illustrer le commentaire de Luther sur les Dix Commandements, Lucas Cranach décide de ne plus retenir les saynètes de la vie quotidienne mais de s'inspirer de l'Ancien Testament. Cette rupture iconographique accompagne une rupture pastorale commune aux protestants et aux catholiques: il s'agit, en abandonnant la thématique des péchés capitaux, de construire socialement une éthique moderne centrée sur les devoirs d'états (le père de famille, la mère, le fils, le maître d'atelier, etc.) et le métier. L'historien, outre qu'il analyse cette rupture, en profite pour éclairer les jeux sociaux qu'elle sert: les jeux des cleres, ceux des chefs de lignées, des artisans, etc. Nous sommes loin alors d'un modèle dans lequel une classe dominante impose sa volonté à des dominés qui finissent par intérioriser des règles. En envisageant la production et la diffusion des gravures du Décalogue, l'auteur tente de réinterroger le statut de l'image à l'époque de l'invention de l'Art, de rendre compte plus exactement des conflits religieux aux temps du duel Réforme/Contre-Réforme et, enfin, de faire inter-agir les uns sur les autres les modèles destinés à expliquer la naissance du monde moderne en cours aujourd'hui chez les historiens.
Peut-on réécrire l'Éthique protestante et l'Esprit du capitalisme en s'appuyant non sur des textes mais sur des images, et pour montrer qu'en fait de protestantisme il s'agit surtout d'éthique moderne, qu'elle soit catholique ou protestante? C'est bien ce à quoi s'attache Olivier Christin dans ce livre au sujet apparemment ténu et aux enjeux en réalité immenses.
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